Clément Souchier, un auteur-compositeur devenu entrepreneur dans l'industrie musicale
Clément Souchier est le fondateur de Creaminal, l’agence indépendante de musique à l’image (qu’il a vendu depuis à Alter K Music Group) qui trouve des musiques existantes et produit des musiques originales pour les professionnels de l’image. Avant cela, il proposait lui-même sa musique pour des films & publicités en tant qu'auteur-compositeur. Avec la création de Creaminal, son objectif était de fédérer des artistes et des labels indépendants pour proposer leurs talents sur des films, des pubs, des jeux vidéos. “On voulait créer une offre concurrente aux majors, une alternative. L'initiative a été très bien reçue. Au départ, c'était surtout de la représentation d’artistes et petit à petit ces artistes ont eu des labels.”
Comment fonctionne la synchronisation musicale ?
On distingue trois familles dans la synchronisation :
Fiction : Tout d'abord, le sujet du film fait qu’un titre a plus ou moins de potentiel de synchronisation dessus. C’est en effet le sujet, le lieu et l’époque du film qui déterminent ce qu’on recherche… Je ne cherche pas la même musique selon que l’action du film se déroule en Roumanie dans les années 80 ou aux US aujourd’hui. Ensuite, il doit y avoir une certaine singularité, sinon la prod et le réal préféreront acheter directement de la musique de librairie. De plus, si la musique a un rôle secondaire, ou d'accompagnement, le professionnel de l'image va se tourner vers un titre moins cher. En revanche, si la musique a un rôle majeur, par exemple avec le générique de fin ou sur une scène culte, il fait sens d’utiliser un titre du commerce qui apporte une signification et/ou un impact supplémentaire à la séquence.
Publicité : "Ce qui va souvent marcher en publicité, ce sont des titres qui peuvent exacerber l’émotion recherchée et/ou le public visé. Une musique sur un format publicitaire, donc plutôt court, va jouer un rôle de catalyseur, de surligneur, pour révéler et appuyer ce que l’annonceur et son agence cherchent à dire”. Les familles de musique basées sur des émotions ont un plus fort potentiel de synchronisation : féminine, enpowerment, positive, fédératrice, moderne, puissante, badass, revendiqué. On parle dans le milieu de titre à fort potentiel Synchro ou de titres “Sync Friendly”. “Les titres qui sont plutôt hybrides dans les émotions qu’ils évoquent sont souvent plus difficiles à utiliser, car on préfèrera quelque chose de plus tranché, avec une émotion plus exacerbée”. "Il faut aussi noter qu'on peut chercher l’émotion, mais pas nécessairement la tristesse, et que les explicit lyrics sont très rares". “Ce qu’on aime bien pourtant , et au risque que ça puisse sembler contradictoire, c'est placer des titres qui ne semblent pas spécialement adaptés à la synchro et pour lesquels il y a une magie qui s’opère entre la publicité et le titre ; et là généralement ce sont des awards-winners. Mais pour y parvenir, il faut aussi que le client soit partant, car cela représente souvent un plus grand risque. Et en matière de risque, il n’est pas rare que les clients préfèrent soit acheter des titres connus et éculés - quitte à les payer très cher - ou des titres de librairie pas chers… Alors qu’à mon sens, ni l’un, ni l’autre ne sont propices à faire véritablement la différence sur une campagne… Les titres connus ont tendance à phagocyter les films - dans le sens où le titre va attirer toute l’attention au détriment de la marque - et les titres de librairie à les rendre fades. Seul, à mon sens, les titres singuliers et pas encore ultra connus peuvent faire briller la marque, on dira alors “trop bien la musique de telle marque”.
Jeux vidéos : “La musique “in-game” (dans le jeu), c’est quelque chose qui a été contrarié par des négociations complexes entre éditeurs de jeux et société des gestions collectives (comme la SACEM). Les compositeurs français ont été complètement écartés par les studios de jeux vidéos, à quelques exceptions près. Aujourd’hui, il y a très peu de français qui composent pour les jeux vidéos, car les studios gaming ont envie de pouvoir acheter les droits sur le principe de buy-out (= acheter tout et ne pas payer de rémunération proportionnelle), là où la vision des droits d’auteurs à la française, que je défends, c’est d’avoir une incessibilité de tes droits, c'est-à-dire d’être payé sur chaque exemplaire vendu, tandis que les Anglo-Saxons veulent juste te filer un “flat-fee”. On a mis des années à trouver un système qui marche en France. C’est surtout présent sur les musiques originales créées spécialement pour l’entreprise, car les studios de jeux vidéos veulent être propriétaire de la musique. En revanche, sur une synchronisation, il peut facilement y avoir des artistes français."
"Le projet sur lequel j’ai préféré travailler, c’est clairement le long métrage La Tortue Rouge, film produit par les studios Ghibli, avec de la musique originale du compositeur Laurent Perez del Mar. C’était vraiment une expérience à part , c’était un film sans parole, donc la musique jouait à la fois le rôle d’accompagnement, mais aussi presque un rôle de dialogue."
La principale problématique des synchroniseurs musicaux
Au sein de Creaminal, Clément s’est très vite heurté à la problématique de l’absence d’outils dans l’industrie pour gérer des grands catalogues. “J’ai longtemps espéré qu’un outil verrait le jour. Mais, ne voyant personne le faire, j’ai créé un outil interne pour recevoir, stocker et partager de la musique facilement, avec une fonctionnalité majeure de description de la musique pour plus facilement chercher et trouver les bonnes musiques à proposer.” Cet outil a commencé à susciter pas mal d’intérêts auprès d’artistes et de labels, mais aussi auprès d'autres acteurs de l'industrie musicale. C’est à ce moment précis que l’idée de Bridge audio a émergée, un outil qui pouvait aussi bien trouver son utilité pour les compositeurs/artistes, qu’ils soient pro ou amateurs, que pour les acteurs de l’industrie musicale (Agence de synchronisation musicale, médias, labels, artistes, etc). Il a donc pris la décision de vendre Creaminal à AlterK et de créer cette nouvelle société : bridge.audio.
La création de Bridge.audio, le premier cloud audio
“Google drive qui aurait fait un bébé avec Spotify”. L’outil répond à des problématiques spécifiques aux métiers de l’audio, comme d’autoriser uniquement le streaming ou le download sur une track partagée, le fait de pouvoir ajouter toutes les métadatas aux fichiers ainsi qu’une description par IA de chaque morceau (musicalement, stylistiquement, émotions, structures, type de voix etc). En deux mots, productivité et “découvrabilité”. Pouvoir stocker des fichiers, avoir toutes les informations liés aux titres et permettre de le retrouver facilement. “On a fait le choix de proposer une version gratuite pour que ce soit aussi simple à adopter qu’un wetransfer ou un soundcloud”
Un mot sur le futur de Bridge.audio
“Sur Bridge, on a mis en place les Workspaces pour travailler seul ou en équipe : des assets sont stockés et tu les partages avec d’autres à des fins de synchronisation, de promotion, d’A&R, d’échange avec des artistes etc. L'outil est aussi bien utilisé par des compo, artistes) que tout leur entourage (labels, éditeurs, tourneurs, managers, PR…), mais aussi par des entreprises qui “consomme” de la musique comme Chanel ou TBWA, ainsi que par des superviseurs musicaux. Au milieu de tout ça, nous allons créer des places de marché, que l’on appelle les HUB et dont le premier est consacré à la Synchronisation : le Hub Synch. En tant qu’ayant droit tu vas pouvoir décider de mettre tout ou une partie de tes titres sur ce Hub, et les marques & superviseurs musicaux vont être invités à venir rejoindre le Hub pour chercher, grâce à notre IA, un titre spécifique. Nous venons de lancer ce service, avec déjà plus de 60 labels / éditeurs qui proposent leur catalogue et plus d’une trentaine d’acheteurs. Les perspectives de développement sont super enthousiasmantes
Pour ce qui est des développements à venir sur Bridge : on va continuer d’améliorer l’expérience utilisateur et de nouvelles fonctionnalités tant sur les workspaces que sur le HUB. On considère qu’on a fait seulement 30% du produit final et parmi les évolutions à venir, il y a cet effort sur la découvrabilité, rendre sa musique plus facile à découvrir et d'ajouter une version mobile. N’hésitez pas à rejoindre les dizaines de milliers d’utilisateurs qui nous ont déjà rejoint.