Le système historique de rémunération du streamingAujourd’hui, les principales plateformes de streaming musical redistribuent environ 70% de leurs recettes, générées par les abonnements ou par la publicité, aux ayants droit (artistes et compositeurs) de manière proportionnelle au nombre d’écoutes qui sont supérieures à 30 secondes. Ce modèle, c'est celui du market-centric. Il consiste en la répartition de l’ensemble des revenus aux ayants droit des titres, sur la base de leur part de marché sur l'intégralité des titres streamés sur une période définie. Une chanson deux fois plus populaire qu’une autre permet donc de gagner deux fois plus de royalties.Le nouveau système de SPOTIFYLe changement majeur dans le système de rémunération des artistes par Spotify, c’est l’ajout d’un seuil minimum d'écoutes annuelles, toute chanson qui n'atteint pas ce seuil ne recevra désormais plus de redevances.À partir du premier semestre 2024, Spotify va donc ajouter un “seuil minimum d'écoutes annuelles” pour être rémunéré par la plateforme. Le seuil pour prétendre à une rémunération a été fixé à 1000 streams minimum sur les 12 premiers mois après publication d'une musique.Derrière cette mesure, Spotify s'attend à une démonétisation de 0,5% des chansons sur la plateforme. Cela représenterait environ 40 millions de dollars qui seront distribués différemment l'année prochaine.Un autre changement notable, c’est la mise en place de sanctions pour fraude à l'encontre des distributeurs. En effet, s’il est démontré que la chanson est associée à une fraude, la chanson sera retirée et les distributeurs/labels devront s'acquitter de frais. Une amende pour l'instant fixée à 10 euros, et ce lorsque le titre a plus de 90% de streams frauduleux. La plateforme suédoise assure qu’elle dispose d’algorithmes capables de détecter les fraudes. Les analystes de JPMorgan estiment qu’ils représentent 10% des écoutes totales. Spotify, de son côté, assure que cela représente moins de 1% des streams.Enfin, Spotify va augmenter ses exigences en matière de durée d'écoute pour les pistes sans bruit ou “noise tracks” (les sons d’ambiance) pour éviter qu’une trop grande part de rémunération y soit attribué au détriment de celle des artistes.Les premières critiques de ce nouveau modèle, effectif à partir de 2024Spotify a annoncé que 37,5 millions de titres ont été écoutés plus de 1 000 fois sur Spotify. Avec un catalogue de 100 millions de titres, cela signifie qu'environ 62,5 millions de titres (soit 62,5 % de sa musique) n'ont pas atteint le seuil minimum en termes de streams de tous les temps, et ce, sans même parler des streams annuels.Amelia Fletcher, professeur de politique de la concurrence à la Norwich Business School de l'université d'East Anglia, a récemment partagé son avis : "Si un précédent est établi ici, rien n'empêchera le seuil de 0,5 % d'augmenter au fil du temps". Elle a ensuite cité Universal Music Group, qui a déclaré que le nouveau modèle "récompensera les vrais artistes avec de vraies bases de fans pour l'engagement qu'ils suscitent sur la plateforme".Mais si Spotify voulait vraiment "récompenser les vrais artistes avec de vraies bases de fans pour l'engagement qu'ils génèrent sur la plateforme", il lui suffirait d'adopter un système de paiement centré sur l'utilisateur", écrit-elle. "Dans ce système, les revenus de l'abonnement de chaque utilisateur sont répartis proportionnellement entre les titres qu'il écoute lui-même. Ce système apporterait une solution simple à cet objectif apparent. Il réduirait également les possibilités de fraude en matière de streaming. Le fait que cette option ait été rejetée à plusieurs reprises suggère que ce n'est pas la véritable raison d'être du changement proposé".Le nouveau système de DeezerDéjà fervent défenseur du modèle artist-centric (le forfait des utilisateurs rémunèrent exclusivement les artistes que l'auditeur a réellement écoutés), Deezer a mis en place depuis octobre 2024 quatre nouveaux points :1. Doubler les rémunérations des artistes qui obtiennent au moins 1 000 écoutes mensuelles de la part d'au moins 500 auditeurs uniques.2. Doubler la rémunération des chansons avec lesquelles les fans s'engagent activement.3. Le contenu sonore non artistique (bruit blanc, sons de vagues, etc.) ne sera pas pris en compte dans le calcul des redevances.4. Enfin, Deezer promet de mettre en place un système de détection des fraudes plus strict afin de repérer et d'éliminer ceux qui tentent de contourner le système.Après avoir conclu cet accord début septembre avec Universal Music, la plateforme française a convaincu une autre major d’adopter un nouveau modèle : Warner Music, dont le patron Robert Kyncl réclame depuis longtemps des ajustements : “Ce n’est plus possible qu’une chanson d’Ed Sheeran rapporte autant que le son de la pluie tombant sur un toit”, soulignait-il au printemps. Ce système dit “artist centric” vise à mieux rémunérer les artistes en limitant les abus et les fraudes.Pour découvrir plus en détail leur nouveau modèle et voir les critiques soulevées, lisez cet articleConclusionLes nouveaux modèles proposés par les plateformes de streaming tendent à réduire les fraudes et les abus tout en accentuant la rémunération des artistes ayant une fanbase solide. En effet, bien que le streaming représente environ 65% des revenus mondiaux de la musique enregistrée, la majorité des artistes n'ont pas 65% de leurs revenus qui émanent du streaming. D'après une étude récente, neuf artistes sur dix gagnent moins de 1 000 euros sur Spotify par an. Le système est imparfait, on se réjouit que Deezer et Spotify s'attaquent au problème, mais il y a encore du chemin avant de parvenir à une solution équitable et réellement rémunératrice.